Yule, de l’ancienne célébration du solstice d’hiver aux résurgences contemporaines
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Noël tel que nous le connaissons a de nombreuses origines. Yule, fête germanique et scandinave associée au solstice d’hiver, est l’une d’elles. Retour sur l’histoire, les rites et les influences sur nos pratiques contemporaines de cette célébration qui connaît aujourd’hui un regain de popularité.
Noël et son sapin, Noël et ses cadeaux, Noël et sa bûche… On ne vous apprend rien : la fête que nous connaissons, qui célèbre selon la tradition chrétienne la naissance de Jésus, est issue d’un véritable syncrétisme. Elle ne s’impose pas à coups de règle sur les doigts, mais par un subtil métissage. Traditions romaines, indo-iraniennes, grecques, celtes : parmi elles, la germanique et scandinave Yule a sérieusement influencé les pratiques du Noël célébré en Europe du Nord et de l’Ouest.
Les célébrations de Yule ont été partie intégrante de « l’ancienne coutume », (en vieux norrois, « forn siðr », un terme utilisé a posteriori pour désigner la religion nordique) de l’âge de bronze jusqu’à la christianisation de la Scandinavie autour de l’an 1000. Le vieux norrois « jól », à l’origine de « yule », signifie simplement « solstice » pour les peuples germaniques et nordiques. Par assimilation, le nom a été repris pour désigner les célébrations de la période du solstice d’hiver. Quand on parle traditions préchrétiennes, il faut penser nature. Chez la plupart des peuples polythéistes – « païens » pour les chrétiens, le calendrier de l’année est défini en fonction des saisons, des lunes et des phases agricoles. Les mythes et les rituels découlent des observations des phénomènes naturels et des besoins des sociétés.
Illustration [Crédits : Pixabay via Pexels]
Au cœur de l’hiver, le jour du solstice, la nuit semble ne pas avoir de fin. Les Scandinaves n’attendent qu’une chose : le retour du soleil, et avec lui la croissance des récoltes. La lumière a ainsi une place centrale ; et au-delà, l’idée même de renaissance, vers laquelle tendent tous les rites de Yule. Des sangliers sont sacrifiés au dieu Jólner – un des nombreux visages du dieu principal du panthéon nordique, Odin – pour accélérer ce retour. On allume une bougie par jour pendant douze jours, et un feu de cheminée brûle sans discontinuer.
Ce feu incarne un mythe fondateur. L’époque du solstice d’hiver est celle, dans la mythologie nordique, où deux frères dieux-arbres s’affrontent dans un duel : le vieux roi-houx et le jeune roi-chêne. Alors que le cadet vainc son aîné, renouvelant un cycle immuable, il s’enflamme. Son feu illumine et réchauffe bientôt toute la terre. Il est donc d’usage à Yule de comburer une bûche de chêne – la yule log - d’abord enduite de miel ou d’huile pour favoriser la fertilité. Au XIXe siècle, alors que Noël est chrétien depuis longtemps et que les moyens de cuisson modernes supplantent la cheminée, la bûche décorée demeure sur la table… et quitte à y être, devient rapidement comestible !
Illustration [Crédits : Pixabay via Pexels]
Aux côtés des bûches de chêne, les chèvres sont aussi une figure traditionnelle associée à Yule. Elles évoquent les deux bêtes attelées au chariot de Thor, le dieu du tonnerre : Tanngnjost « qui fait grincer des dents » et Tanngrisner « qui montre ses dents » (des noms qui en disent long sur leur charme !). Lors d’un banquet, elles auraient été mangées, recrachées puis ressuscitées par le dieu, puis finalement choisies pour le conduire dans le ciel. On les associe donc à une forme sans fin de nourriture, au cycle de la renaissance, ainsi qu’à la fertilité des sols découlant de la pluie apportée par la divinité. Les Julbock (« chèvre de Yule ») en paille sont aujourd’hui encore omniprésentes dans les décorations de Noël en Scandinavie. Un spécimen géant de près de 13 mètres de haut est érigé tous les ans dans la ville suédoise de Gävle, et en général incendié avant son démontage par de jeunes plaisantins.
Petit Julbock de paille, utilisé comme décoration de Noël dans les pays scandinaves [Crédits : invizbk / iStock / Getty Images Plus via Getty Images]
Le conifère, très présent dans les régions du Nord, représente quant à lui la vie éternelle : à l’ère préchrétienne, on en fait des couronnes que l’on accroche aux portes ou dans les salles. Il a lui aussi traversé le temps pour atterrir dans nos salons, le pied entouré d’un sac à sapin. Bougies, feux de cheminée, sapins, bûches (et chèvres pour certains)… : on reconnaît beaucoup de traditions de Yule dans notre Noël actuel.
Certains tentent aujourd’hui de faire revivre cette fête ancienne. A la fin du XXe siècle émerge aux États-Unis un mouvement se réclamant du paganisme antique, du folklore européen et extra-européen, des religions polythéistes et des traditions ésotériques : le néopaganisme. Se scindant progressivement en plusieurs courants – mouvance New Age, Wicca, néodruidisme…, le phénomène s’exporte principalement dans les pays celtiques et nordiques. Malgré une volonté affichée de faire revivre des traditions perdues, le néopaganisme n’a selon les experts pas de réel lien avec ses modèles, et constitue plutôt une réinvention et un assemblage d’éléments existants passés au prisme des philosophies contemporaines. Cela étant dit, de nombreuses communautés issues de ces mouvements célèbrent Yule et y associent des rites – fondés ou non sur une réalité historique. Dans un objectif plus patrimonial et folklorique que spirituel, des villes scandinaves recréent quant à elles les célébrations de Yule sous forme de festivals et de reconstitutions, conservant vivaces des traditions millénaires.
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