La Nativité selon Paul Gauguin : l'étonnant "Te tamari atua"
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Au milieu des Nativités classiques, Te tamari no atua détonne. Paul Gauguin peint en 1896 sa vision de la naissance du Christ, largement influencée par l’esthétique polynésienne qu’il affectionne.
Rien de familier, ou presque, dans cette nativité. Marie est bien là, au premier plan, mais prend les traits d’une jeune polynésienne uniquement vêtue d’un paréo. Étendue sur son lit, les yeux clos, elle semble épuisée par son accouchement. A côté du lit, une suivante tient le nourrisson Jésus dans ses bras ; une autre se tient en retrait, la tête inclinée dans une position de recueillement. A l’arrière-plan droit, les traditionnels bœufs sont réunis dans l’étable. Mais ni Joseph, ni Rois mages, ni bergers ; le Christ lui-même se fait discret. Au second plan, derrière Marie, on ne voit que l’arrière de sa tête et une petite partie de son profil. Les seules évocations d’une dimension sacrée sont finalement les légères auréoles autour des têtes de la mère et de son fils. Le divin est ici éclipsé par une certaine normalité.
Paul Gauguin, Te tamari no atua, 1896, 92 x 126 cm, huile sur toile, Neue Pinakothek, Munich [Crédits : Wikimedias Commons]
Te tamari no atua signifie « le fils de Dieu » en polynésien. Allergique à l’artificialité de la civilisation occidentale, Gauguin fait deux long séjours en Polynésie. Des périodes particulièrement productives pour son art : il peint près de 70 toiles lors de son seul premier séjour. Il crée Te tamari no atua lors de son second. Sa compagne Pau’ura, âgée de 14 ans, est son modèle pour la figure de Marie, alors qu’elle attend un enfant. Décor, couleurs et personnages, tout dans cette œuvre rappelle la Polynésie.
Ce n’est pas la première fois que le peintre crée, à sa sauce, une réinterprétation de l’iconographie religieuse. La fameuse Vision après le sermon est un monument du symbolisme, oscillant entre la Bretagne traditionnelle, les contes oniriques, Delacroix et Hokusai. Gauguin a aussi représenté Jésus – de face – à de nombreuses reprises. Le Christ vert, Le Christ jaune et Le Christ au jardin des oliviers en sont des exemples marquants. Il s’inclut même, en autoportrait, devant son Christ jaune. Ses réinterprétations parfois radicales résonnent avec son éducation religieuse, font souvent polémique, et posent selon de nombreux experts les bases du symbolisme.
Paul Gauguin, Vision après le sermon, 1888, 72,2 x 91 cm, huile sur toile, Galerie nationale d’Écosse, Édimbourg [Crédits : Wikimedias Commons]
Paul Gauguin, Le Christ vert ou Calvaire breton, 1889, 92 x 93 cm, huile sur toile, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles [Crédits : Wikimedias Commons]
Paul Gauguin, Le Christ jaune, 1889, 91,07 x 73,34 cm, peinture, galerie d'art Albright-Knox, Buffalo [Crédits : Wikimedias Commons]
Paul Gauguin, Le Christ au jardin des oliviers, 1889, 73 x 92 cm, huile sur toile, Norton Museum of Art, Palm Beach [Crédits : Wikimedias Commons]
Paul Gauguin, Autoportrait au Christ jaune, 1890-1891, 38 x 46 cm, huile sur toile, musée d'Orsay, Paris [Crédits : Wikimedias Commons]
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