La Sainte-Lucie en Suède, une fête de lumière
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Des jeunes filles couronnées de chandelles allumées et des garçons portant des bougies : ces silhouettes vêtues de longues robes blanches défilent en chantant pour fêter la lumière au cœur de l’hiver. Nous sommes le 13 décembre, jour de la Sainte-Lucie (Sankta Lucia) en Suède. Depuis 400 ans, cette tradition illumine les longues nuits.
D’après la tradition chrétienne, sainte Lucie aurait subi le martyre au début du IVe siècle, durant la persécution de Dioclétien, à Syracuse dont elle est devenue la sainte patronne. Son culte est très anciennement attesté par une inscription du début du Ve siècle retrouvée dans la catacombe San Giovanni de Syracuse et par une mosaïque de l’église Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne au milieu du VIe siècle. Par ailleurs, sa fête, fixée au 13 décembre, est inscrite au Martyrologe hiéronymien (le plus ancien martyrologue de langue latine, qui recense des noms de saints et la date de leur martyre, datant du milieu du Ve siècle).
Les détails de sa vie et de son martyre n’ont pourtant aucun fondement historique, mais ils se sont largement diffusés. De multiples anecdotes figurent ainsi dans La Légende dorée de Jacques de Voragine au XIIIe siècle. On raconte qu’issue d’une riche famille romaine, Lucie aide les pauvres dans les catacombes : pour pouvoir utiliser ses deux mains, elle porte sur sa tête une petite couronne avec des bougies, telle celles qu’arborent actuellement les jeunes filles suédoises à l’occasion de sa fête.
Vierge chrétienne, elle choisit de se consacrer à Dieu, bien que fiancée par sa famille. Le fiancé païen, furieux, la dénonce alors aux autorités romaines. Le consul Pascasius donne l’ordre de la traîner dans un lupanar, mais on ne peut la déplacer : même avec un énorme attelage d'hommes et de bœufs, elle reste fixée au sol. On la couvre alors de poix et de résine puis on y met le feu, mais, chantant les louanges de Dieu, elle sort indemne de la fournaise. On lui enfonce une épée dans la gorge, mais elle ne rend son âme à Dieu qu’après avoir reçu la communion.
Quirizo da Murano, Santa Lucia, épisodes de la vie de sainte Lucie, Quirizo da Murano Pinacota, Rovigo [Crédits : Wikimedias Commons]
Si la vie de Lucie, objet de pieuses légendes, reste dans l’ombre, le nom même la sainte évoque la lumière, « lux » en latin, dont est dérivé « Lucia ». Les épisodes de la couronne de chandelles portée sur la tête ou de la condamnation au brasier évoquent la lumière et le feu, semblant dériver du nom même de la sainte. Selon d’autres traditions, on lui aurait aussi arraché les yeux : la sainte de la lumière est ainsi devenue la sainte patronne des malvoyants.
Le choix du 13 décembre pour commémorer sainte Lucie semble bien directement découler de son nom plutôt que de la date de son martyre comme c’est habituellement le cas (« dies natalis », naissance à la vie éternelle). Ce jour correspond en effet à la date du solstice d’hiver dans le calendrier julien. C’est le jour le plus court à partir duquel les journées commencent à allonger et la lumière à revenir progressivement. Selon un dicton, « à la Sainte-Lucie, les jours croissent du saut d’une puce ». Mais le solstice d’hiver n’est-il pas aujourd’hui autour du 21 décembre ? Il tombait vers le 13 décembre jusqu’au décalage induit par la réforme du calendrier établie par le pape Grégoire XIII en 1582 (le calendrier grégorien). Le jour de la Sainte-Lucie est resté le 13, mais pas le solstice. La Suède a adopté le calendrier grégorien en 1753, en sautant une dizaine de jours entre le 17 février et le 1er mars.
Chandelles de sainte Lucie, Helsinborg, Suède [Crédits : Henrik Gustafsson / iStock / Getty Images Plus via Getty Images]
Pour les mentalités populaires suédoises, la longue nuit glaciale du solstice d’hiver était dangereuse en attendant le retour de la lumière. Pour lutter contre les esprits mauvais et les forces du Mal, on se réconfortait en mangeant, en buvant et en faisant la fête… Les lussekatter, savoureux petits pains au safran en forme de S, tirent leur appellation non pas du nom de sainte Lucie mais bien de Lucifer, le diable tant redouté, dont le nom dérive d’ailleurs aussi de la lumière (étymologiquement le « porteur de lumière »).
Lussekatter, petits pains suédois au safran [Crédits : Angela Kotsell / iStock / Getty Images Plus via Getty Images]
C’est en 1764, dans le Västergötland, région du sud-ouest de la Suède, que sont attestées les premières traditions pour la Sainte-Lucie. C’est alors une fête familiale rurale : la fille aînée de la maison, vêtue de blanc et couronnée de bougies, porte tôt le matin un plateau avec le petit-déjeuner aux parents. Pour ce jour de fête familiale, on mange copieusement, avec trois petits déjeuners. On boit aussi le brännvin, une eau de vie de pommes de terre ou de céréales.
Dans les années 1900, la fête de Sankta Lucia, ou Luciafirande, se diffuse et prend de l’importance. C’est en 1927 qu’a lieu la première procession publique avec l’élection d’une Lucia représentant la sainte, à l’instigation d’un quotidien de Stockholm, le Stockholms Dagblad. L’usage va rapidement s’étendre dans tout le pays, jusqu’à ce que toutes les villes organisant l’élection de leur Lucia, objet d’une véritable compétition entre les jeunes Suédoises, qui en tirent de la fierté ! On va aussi en élire dans les écoles, sur les lieux de travail, dans les communautés religieuses (l’église luthérienne accepte cette tradition, dont le caractère sacré s’accentue à partir des années 1970). Il y a même une élection au niveau national, qui a pris longtemps à certains égards le caractère d’un concours de beauté.
Les cortèges (luciatåg) se sont étoffées au fil des ans, avec des demoiselles d’honneur (tärnor, vêtues de blanc mais sans couronne) et des garçons d’honneur (stjärngossar, vêtus de blanc avec un chapeau conique à étoiles qui évoquent les rois mages) ainsi que des farfadets (tomtar, en rouge), des lutins (tomtenissar) portant des lanternes et des bonshommes en pain d’épice (pepparkaksgubbar, en brun), accompagnant tous la Lucia, qui distribue du café, des petites brioches au safran (lussebullar) et des petits gâteaux au gingembre (pepparkakor), que l’on peut accompagner d’un bon glögg (vin chaud aux épices). La Lucia, vêtue de blanc avec une ceinture rouge qui évoque le coup d’épée final reçu par la martyre, porte la lumière par sa couronne de chandelles. Mais il faut noter que pour des raisons de sécurité, on a remplacé les vraies bougies par des bougies à piles, au grand dam des puristes… Mais cela valait mieux que de mettre le feu ou de se brûler la chevelure !
Célébration de la Sainte-Lucie, à Malmö, Suède [Crédits : klug-photo / iStock Editorial / Getty Images Plus via Getty Images]
On chante des chants traditionnels évoquant la victoire de la lumière sur l’obscurité, comme La Nuit marche à pas lourds, Sainte Lucie, brillante illusion ou Dehors il fait noir et froid. L’hymne Sankta Lucia reprend l’air de la célèbre chanson napolitaine. Dans les églises, on donne des concerts qui sont retransmis à la télévision. Les festivités, à l’origine à l’aube, ont plutôt lieu le soir pour l’effet de la lumière dissipant les ténèbres. Malgré le succès de cette fête, la Luciafirande n’est pas officiellement un jour férié en Suède.
Pour certains, le luciatåg (la procession de la Sainte-Lucie) doit répondre à des règles strictes ; ce qui ne l’empêche pas d’être en constante évolution. Souvent, on ne pratique plus l’élection de la Lucia mais on préfère la tirer au sort pour éviter un concours de beauté… A la fin des années 90, un débat se déclenche en Suède sur la possibilité d'élire une Lucia nationale non-blanche, il débouche en 2000 sur l'élection d’une jeune fille adoptée, de couleur. Mais certains Suédois restent attachés aux archétypes de beautés blondes, et se sont ainsi offusqués lorsqu’en 2012, Astrid Cederlöf, jeune fille noire de 14 ans, a chanté lors du concert de Lucia retransmis à la télévision depuis la cathédrale d’Uppsala.
En 2016, une campagne publicitaire des magasins Åhléns, qui présentait un petit garçon de couleur dans le rôle de Lucia, a suscité un certain nombre de commentaires haineux et a été retirée. De plus en plus de garçons occupent le rôle de Lucia, ce qui irrite aussi les puristes. Pourtant, la première trace d’un garçon désigné comme Lucia remonte à 1820. D’ailleurs, dans les crèches et les écoles primaires, on peut choisir plusieurs Lucia, fille ou garçon, pour ne pas faire de jaloux.
Bien qu'ancrée dans la tradition, la Luciafirande évolue bien naturellement pour mieux répondre aux idées de modernité de la société suédoise. Les Lucia visitent des centres commerciaux, des églises et des institutions pour personnes âgées et jouent ainsi un véritable rôle social. Forte de son succès, la fête s’est étendue en Scandinavie : ainsi, au Danemark, la Sainte-Lucie, appelée « Luciadag », a été importée en 1944, pour « apporter de la lumière en ces temps noirs ».
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