Les cartes de voeux de Noël, une création de l'Angleterre victorienne
Revenir en haut
Une carte de vœux pour les proches à l’occasion des fêtes : cette tradition nous vient de l’Angleterre victorienne. Retour sur une histoire de poste, d’imprimerie, de famille royale, d’humour noir et de Noël blanc.
On s’écrit bien sûr depuis bien longtemps, et des relais de poste – des points réguliers où les cavaliers transportant des missives peuvent changer de monture – existent dès l’Antiquité. Gengis Khan, au XIIe siècle, est le premier à mettre en place un système de relais de poste sur de très longues distances, l'örtöö. De la Chine à l’Égypte, jusqu’à l’Empire romain, « la poste » prend petit à petit forme. Au XVe siècle, Louis XI met en place un système royal qui engage un certain nombre de cavaliers au transport des messages du roi. En 1576, un édit de Henri III crée la première poste d’État et autorise le peuple à utiliser les voies postales. La ferme générale des postes, créée en 1672, garde jusqu’à la Révolution la mainmise sur les échanges de courrier.
Au début du XIXe siècle, et depuis la Révolution française, la poste est un service d’État. En France apparait alors la malle-poste, une voiture à cheval spécialement dédiée à l'acheminement des dépêches et du courrier – bien qu’elle puisse aussi accueillir des passagers. Ce nouveau mode de transport facilite grandement les envois, en permettant une connexion à la fois urbaine et rurale. Sous la Restauration, les malles-poste sont peintes en jaune, couleur que l’on associe toujours à la Poste française.
C’est toutefois l’apparition du timbre-poste qui vient révolutionner le système postal.
A. Prévost, maquette d'une malle-poste, vers 1880, musée Carnavalet [Crédits : Wikimedias Commons]
Inventé par les Anglais Rowland Hill et James Chalmers, dans le cadre d’une réforme postale britannique menée par le fonctionnaire Henry Cole, le premier timbre-poste est diffusé par les postes royales en 1840. Noir, il représente la reine Victoria. Son prix, un penny, et sa couleur, lui donnent son surnom : le « Penny Black ».
Contrairement au système anciennement en vigueur qui obligeait le destinataire à payer le transport du courrier lui étant adressé (avec, comme on peut l’imaginer, le lot de mauvaises surprises pouvant en découler), et faisait donc fleurir les plis refusés comme les entreprises privées concurrentes, le timbre-poste permet au destinataire de ne plus supporter les frais et à l'expéditeur de ne payer d'une somme modique. Cette réforme des postes anglaises connait un grand succès et se diffuse rapidement, d’abord en Suisse et aux États-Unis, puis en France et en Belgique.
Le premier timbre poste à l'effigie de la reine Victoria, le "Penny Black", 1840 [Crédits : Wikimedias Commons]
Une des inspirations des cartes de vœux, selon Antony et Peter Miall dans leur ouvrage The Victorian Christmas Book, se trouverait dans les écoles. A partir du XVIIIe siècle, les instituteurs font préparer aux élèves un cadeau de Noël pour leur famille. Ils écrivent un petit mot sur un beau papier décoré d’une bordure élégante, puis l’offrent à leurs parents.
La facilité de correspondance induite par la réforme crée un terreau propice pour les cartes de vœux imprimées, versions « en série » des petits mots des écoliers. C’est Sir Henry Cole (le même qui avait lancé la réforme des postes en Grande Bretagne), qui en lance l’idée en 1943. Il confie à John Callcott Horsley, illustrateur membre de la Royal Academy, la charge du dessin de la carte.
La carte de vœux créée par Horsley est divisée en trois parties. La partie centrale montre les membres de sa famille levant leurs verres, le visage tourné vers le lecteur. Une aide alimentaire aux nécessiteux est présentée sur la partie gauche, et des vêtements sont donnés sur la partie droite. Un motif qui rappelle l’importance de la charité pour la société victorienne, surtout en période de Noël. Pour encadrer les différentes scènes, Horsley dessine un cadre végétal de lierre entrelacé. Une banderole tendue sous la scène principale indique : « A Merry Christmas and a Happy New Year to you » (« Un joyeux Noël et une bonne nouvelle année à vous »); des espaces vides sont prévus pour des petits mots personnalisés au destinataire.
Près de mille cartes sont imprimées en noir et blanc et colorées à la main. Leur prix d’un shilling est malheureusement prohibitif pour une bonne partie de la population, le succès est donc mitigé.
John Callcott Horsley, carte de voeux, 1843, Angleterre, Museum no. MSL.3293-1987. [Crédits : © Victoria and Albert Museum]
Un an plus tard, de nouvelles cartes voient le jour. Celle de William Edgley expose plusieurs scènes de fête et ajoute du houx, plus représentatif de Noël. Les ventes sont bonnes et poussent les imprimeurs à diversifier les motifs. Les coûts de l’imprimerie baissent, et ceux des cartes avec. Moins chères, elles sont en vente dans les librairies et les papeteries. Elles commencent à être importées de l’étranger, et peuvent être acquises en paquet bon marché.
Vers 1880, la carte de vœux de Noël s’est largement démocratisée. Un succès dû aussi au soutien de la famille royale, qui envoie des vœux mettant en scène ses membres à d’autres personnalités de premier plan.
William Maw Egley, dessin au crayon pour une carte de voeux, 1848, Angleterre, Museum no. E.12-1940. [Crédits : © Victoria and Albert Museum, Londres]
Forts de leurs succès, les créateurs de cartes de vœux redoublent d’imagination pour les rendre attractives et originales. Sur la forme, ce sont des lithographies en couleur, motifs denteliers, satins, papier gaufré, soie, rubans, fleurs séchées, brocart… Tous les matériaux sont bons pour agrémenter la carte. Elle prend aussi des formes variées, allant jusqu’à la cloche de Noël, l’éventail ou le croissant ; elle s’anime grâce à des systèmes de disques que l’on tourne pour révéler une scène, ou de languettes que l’on tire pour faire bouger des personnages.
Cartes de vœux de formes et de textures originales, vers 1870 [Crédits : © Victoria and Albert Museum, Londres]
Le fond n’est pas en reste : si les scènes religieuses sont souvent à l’honneur, les concepteurs intègrent de plus en plus de scènes quotidiennes profanes. Les imprimeurs ajoutent aussi bien souvent des textes aux dessins. Des citations de Noël, des versets de chansons populaire ou des poème viennent habiller les cartes.
De nombreuses cartes, au milieu d’une imagerie classique, présentent des scènes plus étonnantes. A l’image de « l’humour anglais », souvent caractérisé par sa noirceur et son côté absurde, ces images sont bien loin de ce que l’on peut associer à la joie des festivités.
Comme disait Pierre Desproges : « Comment reconnaître l’humour anglais de l’humour français ? L’humour anglais souligne avec amertume et désespoir l’absurdité du monde. L’humour français se rit de ma belle-mère. »
Voici en tout cas quelques cartes de vœux surprenantes.
"Un joyeux Noël à toi"
"Nous vous souhaitons un joyeux Noël"
"Puisse le vôtre être un joyeux Noël"
"Un vœu de Noël, avec amour"
Notre imaginaire collectif associe bien souvent les mêmes images à l’idée de Noël anglais : de petits villages enneigés, des églises, des cadeaux sous le sapin, des promenades en traineau, un pudding, une dinde rôtie… Des visions qui proviennent en partie des cartes de vœux et de leurs représentations très liées à l’époque. Le Noël blanc, par exemple, n’a été une réalité constante que durant une période où les hivers victoriens étaient particulièrement froids, mais est resté fixé dans les esprits comme une image indissociable des fêtes anglaises.
Ces images emblématiques ont soulevé les passions, au point que certains collectionnent les cartes de vœux avec assiduité. Georges Buday, peintre et auteur anglo-hongrois du XXe siècle, en a accumulées au cours de sa vie plus de 3000, pour finalement en faire don au Victoria & Albert Museum.
autres articles
découvrez nos catalogues
Voyages susceptibles de vous plaire
Contacts
Newsletter
Inscrivez-vous à notre newsletter pour rester informé et recevoir nos offres en avant-première.
Catalogues
Découvrez nos catalogues gratuits pour suivre l'actualité de toutes nos marques (sans engagement).
INTERMÈDES
Qui sommes-nous ?
L'esprit Intermèdes
Nous contacter
Protection des données et cookies
Conditions de vente
Partenaires
Nos gammes
SERVICES
Mon compte
Inscription à la newsletter
Hôtels aéroports
Nos voyages culturels
Nos thèmes
Moyens de paiement
Qualité certifiée