La trève de Noël en 1914

Les combats s’arrêtent, des chants résonnent, des cadeaux sont échangés, des parties de foot disputées. A certains endroits du front de la Première Guerre mondiale, Noël marque une trêve inédite entre les opposants.

La Première Guerre mondiale fait rage depuis l’été et en ce mois de décembre 1914 glacé et pluvieux, les soldats frigorifiés se terrent dans les tranchés inondées et boueuses. Noël approche et ils seront loin de leurs familles, c’est certain. Le moral est en berne…Quand tout à coup l’impensable se produit. Spontanément, les soldats des deux camps sur le front de l’Ouest déposent les armes et fraternisent au moment de Noël. Et la paix règne pendant un court laps de temps…

C’est d’abord la veille de Noël que dans certaines tranchées allemandes des petits sapins sont érigés et des chants entonnés. Les Anglais en face répondent par leurs propres chansons, les Christmas carols. Le lendemain, les deux camps s’extirpent des boyaux pour fraterniser et échanger des petits cadeaux, comme de l’alcool ou des cigarettes. Les adversaires se rencontrent ainsi entre les tranchées pour une trêve.

Militaires britanniques et allemands réunis au milieu du no man's land pendant la trêve, 1914, photographie du gouvernement du Royaume-Uni [Crédits : Wikimedias Commons]

Le 25 décembre, dans la Somme, des soldats français et allemands se réunissent dans la zone entre les tranchées et vont parfois jusqu’à se rejoindre dans les galeries adverses. Ils échangent aussi des cadeaux et profitent d’un moment paisible. Certains poilus mentionnent qu’un soldat allemand aurait amorcé cette trêve en sortant avec un drapeau blanc ou un petit sapin. De nombreux témoignages de poilus relatent des scènes de fraternisation, même si les documents racontant de tels épisodes furent censurés par les autorités militaires françaises. Ainsi, le ténor allemand Walter Kirchhoff, qui chantait des hymnes de Noël dans les tranchées, fut applaudi par les soldats français qui l’incitèrent à poursuivre son récital improvisé.

En Belgique, les soldats allemands et anglais vont même jusqu’à disputer une petite partie de football sur un terrain gelé entre les tranchées. En France aussi, à Frelinghien, un match de football aurait eu lieu. Plusieurs documents et témoignages sortis de l’oubli documentent l’existence de ce type de rencontres sportives sur le front occidental.

La trêve dure parfois plusieurs jours et sert aussi à rassembler les cadavres gisants entre les tranchées pour leur donner une sépulture décente. Mais la hiérarchie militaire, qui passe les fêtes de fin d’année à l’arrière du front, apprend bientôt l’existence de ces trêves improvisées et y met un terme : on ne peut pas fraterniser avec l’ennemi.

Dès lors des mesures seront prises pour éviter que de tels événements se reproduisent. On déplace souvent les troupes pour éviter toute camaraderie avec la tranchée d’en face. Des sanctions sont prévues pour toute tentative de communication avec l’ennemi.

Je vous donne l’ordre strict de punir toute tentative de communiquer avec l’ennemi, par signe, par la parole, par quelque système que ce soit.

C'est ce qu'ordonne le maréchal britannique Douglas Haig, qui sera surnommé plus tard « le boucher de la Somme ». Lors des Noëls suivants, des ordres stricts empêchent toute fraternisation entre les adversaires.

Cette trêve de Noël sera ensuite passée sous silence dans les livres d’histoire, par patriotisme, et il faudra attendre en France le film Joyeux Noël, en 2005, pour que ces épisodes sortent de l’oubli.