En Provence, les santons donnent vie à la crèche

En Provence, les santons rassemblés dans la crèche incarnent traditions religieuses et scènes de la vie quotidienne. Ces petites figurines d’argile, apparues après la Révolution, sont emblématiques de l’esprit provençal et d’un savoir-faire artisanal toujours bien vivant.

On connait l’expression populaire « le ravi de la crèche » qui désigne une personne naïve et d’un optimisme béat. Le « ravi » est l’un des multiples personnages de la crèche provençale qui, outre la Sainte Famille et les animaux de l’étable, comporte une foule de protagonistes locaux et pittoresques. Au départ le « ravi » n’est d’ailleurs qu’un personnage représenté souriant et les bras levés, se réjouissant simplement de la naissance de Jésus. C’est au XIXe siècle, sous l’influence des pastorales et de Mistral, qu’il devient une sorte d’idiot du village… C’est un de ces santons qui donne vie aux crèches provençales.

Ravi dans la crèche, santons de 20 cm, Aix-en-Provence [Crédits : Paul Fouque/Daniel Ferrier via Wikimedias Commons]


L’origine de la crèche

La tradition de la crèche de Noël, qui signifie littéralement « mangeoire » (du latin « cripia »), remonte au Moyen-Âge. A cette époque, les Mystères (de « misterium », « cérémonie »), représentent sur le parvis des églises ou sur les places publiques des épisodes religieux tels la Passion ou la Nativité. La naissance de Jésus est donc mise en scène. D’après la tradition franciscaine, François d’Assise créé la nuit de Noël 1223 une crèche vivante de grande ampleur dans une grotte près de Greccio dans le Latium, enrichie de nouveaux personnages comme le bœuf et l’âne. Il souhaitait évoquer en Italie la nuit de Bethléem, la Terre Sainte étant inaccessible à l’immense majorité des chrétiens. Sous l'influence des prédicateurs franciscains, la coutume de la crèche vivante se diffuse en Italie et en Provence. De grandes figures sculptées peuvent aussi remplacer les protagonistes. En 1252, au monastère franciscain de Füssen en Bavière, est réalisée une crèche en bois, la plus ancienne connue.

La « mère de toutes les crèches » à Rome

Nicolas IV, le premier pape franciscain, décida d’aménager en 1288 l’ancienne chapelle de la Crèche (oratorio del Presepio) de la basilique romaine Sainte-Marie-Majeure, où étaient conservées des reliques de la mangeoire de Bethléem rapportées des croisades. Il fit alors réaliser par Arnolfo di Cambio, entre 1289 et 1292, une des plus anciennes et plus imposantes représentations de la Nativité en pierre. De grandes dimensions (environ un demi-mètre), les statues en marbre de Carrare constituaient un vaste ensemble comprenant aussi les Mages ainsi que l’âne et le bœuf. Malgré la perte de quelques personnages lors de son déplacement en 1590, celle qu’on appelle la « mère de toutes les crèches » est toujours visible à Sainte-Marie-Majeure.

Reliquaire de la Sainte Crèche, basilique Sainte-Marie-Majeure, Rome [Crédits : Wikimedias Commons]


L’exubérance des crèches napolitaines

C’est sous l’influence des Jésuites que se répandent au XVIe siècle les crèches telles que nous les connaissons, en miniature, avec des figurines en bois, cire, carton-pâte… Dans le sillage de la spiritualité issue du Concile de Trente (1545-1563) et de la Contre-Réforme, ces mises en scène occasionnelles réservées au temps de Noël, démontables et réutilisables, contribuaient à toucher les fidèles et à renforcer la catéchèse. Apparues dans les églises et les couvents, elles rejoignent progressivement les maisons privées (la première crèche domestique attestée est celle de la duchesse d'Amalfi, Constanza Piccolomini di Aragona, en 1567). À Naples, les familles aristocratiques rivalisent pour réaliser la plus belle crèche dans leurs palais, entraînant un phénomène de société. Les crèches napolitaines connaissent leur apogée au XVIIIe siècle. Théâtralisées selon la conception baroque, elles mêlent le sacré (avec la Sainte-Famille, l’Adoration des bergers et celle des mages) au profane (avec des personnages tirés de la vie quotidienne). Elles comptent des centaines de sujets, des décors de villes et de campagne, avec des rivières, des ponts, des marchés et même des églises. Des salles entières de maisons et de palais napolitains leur sont consacrées... On peut en admirer au musée San Martino de Naples, ou découvrir les artisans qui vendent des santons et des crèches Via san Gregorio Armenio.

L’apparition des santons de Provence

Les crèches sont introduites dans les églises provençales par les Oratoriens et les Franciscains dès le début du XVIIe siècle, dans le sillage de la Contre-Réforme. C’est à la fin du XVIII siècle que les crèches domestiques font leur apparition, dans des niches ou boîtes vitrées dites « chapelles ». On mentionne aussi une des premières crèches mécanisées connue à Marseille en 1775 : un dénommé Laurent aurait créé des personnages de grande dimension, articulés et revêtus de costumes provençaux, accompagnés de girafes, de rennes et d’hippopotames… Mais, paradoxalement, c’est la Révolution française qui va susciter la multiplication des santons. En effet, avec la fermeture des églises, la suppression de la messe de minuit et l’interdiction des représentations de la Nativité, les provençaux commencent à fabriquer eux-mêmes des figurines en pain de mie ou en papier mâché pour de petites crèches à domicile.  Les « santoun » (« petits saints ») apparaissent alors secrètement dans l’intimité du foyer.

L’essor des santons de Provence

Après la Révolution, les santons de Provence prennent leur essor grâce à un sculpteur et peintre faïencier marseillais, Jean-Louis Lagnel. Celui-ci utilise l’argile rouge de Provence crue et des moules en plâtre pour produire des santons en série, au coût modeste et abordable pour toutes les bourses. Dès lors les petites figurines se diffusent largement, le procédé est adopté par de nombreux artisans et apparait le métier de santonnier. De nos jours, pour plus de solidité, on utilise l’argile cuite même si le santon traditionnel reste en argile crue. Le procédé de fabrication commence par le modelage d’un modèle en argile brute afin de constituer un moule en plâtre pour reproduire les figurines d’argile. Le santon démoulé est fignolé, parachevé, séché à l’air libre plusieurs heures avant d’être placé dans un four à une température très élevée. Puis, dernière étape, le santon est peint à la main. 

 Peu à peu la crèche provençale s’est enrichie de nouveaux personnages issus de la vie quotidienne provençale : la lavandière, le pêcheur, la poissonnière, le bûcheron, la fermière, le meunier, le porteur d’eau, le vannier… On trouve aussi le maire, le curé et le moine, les Bohémiens, l’Arlésienne, l’aveugle, le tambourinaire, le valet de ferme, le joueur de boules…et bien sûr aussi, le ravi.

 Santons sur un marché de Noël de Provence [Crédits : Aygul Bulte / iStock Editorial / Getty Images Plus via Getty Images]


 Le saviez-vous ?

  • A Avignon, la grande crèche de l’église des Célestins s’étend sur 48 mètres carrés. Elle compte 650 personnages convergeant vers l’étable, et une centaine de petits bâtiments. Le décor évoquant la Provence a nécessité 600 kilos de souches d'arbres et une tonne de terre et sable.

  • A Fontaine-de-Vaucluse, un musée est consacré aux santons (environ 2 000 pièces). On y découvre une des plus petites crèches au monde, qui tient dans une demi-coque de noix.

  • A Cavaillon, une demeure, privée, l'hôtel d'Agar, expose durant deux mois tous les hivers plus de 200 sujets en cire ou papier mâché provenant des couvents provençaux et de l'artisanat marseillais du XVIIIe au milieu du XIXe siècle.

  • A Aix-en-Provence, le musée du Vieil Aix, dans l’hôtel particulier du XVIIe siècle Estienne de Saint-Jean, présente des santons, mais aussi les marionnettes d’une crèche parlante du XIXe siècle.

  • Il existe huit ateliers de santonniers à Aix-en-Provence, qui travaillent selon les méthodes artisanales et traditionnelles ; chaque année, au moment des fêtes de fin d’année, se tient la traditionnelle Foire aux Santons sur l’esplanade Cézanne à proximité de la fontaine de la Rotonde.

  • Le peintre Paul Cézanne a été représenté en santon par plusieurs santonniers d’Aix-en-Provence et de Marseille.

Rue d'Aix-en-Provence

Grandes Expositions

En 2025, Aix fête son plus célèbre concitoyen, Paul Cézanne. Les sites emblématiques du peintre, carrières de Bibémus mais aussi bastide du Jas-de-Bouffan et atelier des Lauves (réouvrant après des années de restauration) sont à l'honneur. Des expositions exceptionnelles, dont la collection Pearlman au musée Granet, animeront la cité provençale présentant les œuvres du peintre, dont Picasso aimait à dire qu'il était "notre père à tous" ("les artistes du début du XXe siècle").

3 jours / 2 nuits

Rythme 3/5

À partir de

925 € / pers.
Voir le voyage

5 départs programmés

Vente ouverte

au départ de Paris

27 juin > 29 juin 2025

Avec Barbara Lepecheux

Offre primo

950 € -25 €

À partir de

925 €

/ pers.

Vente ouverte

au départ de Paris

1 place avant départ garanti

16 juil. > 18 juil. 2025

Avec Barbara Lepecheux

Offre primo

950 € -25 €

À partir de

925 €

/ pers.

Vente ouverte

au départ de Paris

5 sept. > 7 sept. 2025

Avec Barbara Lepecheux

Offre primo

950 € -25 €

À partir de

925 €

/ pers.

Vente ouverte

au départ de Paris

24 sept. > 26 sept. 2025

Avec Barbara Lepecheux

Offre primo

990 € -25 €

À partir de

965 €

/ pers.

Vente bientôt ouverte

au départ de Paris

1 oct. > 3 oct. 2025

Avec Barbara Lepecheux

Quelques conseils de visite

Maison Santons Richard, à Aix-en-Provence

A Aix en Provence, n'hésitez pas à visiter la Maison Santons Richard, qui réalise des santons de manière traditionnelle depuis 1968 et est à l'origine du personnage du berger. La Maison propose aussi une figurine représentant Paul Cézanne en train de peindre.

Le peintre aixois et son chevalet, 9 cm, santon de la Maison Santons Richard, Aix-en-Provence


Maison Empereur, à Marseille

Créée en 1827, la Maison Empereur est la plus ancienne quincaillerie de France. Ses santons artisanaux sont fabriqués à la main dans l'historique quartier du Panier.

Alphonse Daudet, 18 cm, santon de la Maison Empereur, Marseille


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