Navruz : la fête du printemps en Ouzbékistan

Origine et diffusion

D’origine iranienne et zoroastrienne (le zoroastrisme est une religion issue des enseignements du prophète Zoroastre, et religion officielle de l’Empire sassanide jusqu’au VIIe siècle) la fête de Norouz, est célébrée depuis 3 000 ans par diverses communautés d’Asie centrale et de l’Ouest, du Caucase, des Balkans, du bassin de la mer Noire et d’Asie du Sud. De nombreuses variantes existent dans ces différents territoires, qui ont pour point commun d’avoir été plus ou moins influencés par l’Empire perse. En Ouzbékistan, elle est appelée Navruz. Correspondant au début d’une nouvelle année dans le calendrier persan, la fête est aussi surnommée le Nouvel An persan.

Navruz, ou Norouz – « nouveau jour » en persan – est initialement dédiée au génie de midi et de la belle saison, Rapithwin. Comme dans beaucoup de civilisations, on se réjouit au moment de l’équinoxe de printemps (entre le 20 et le 22 mars) du retour des jours longs et de la lumière. Sous les rois Sassanides, la dernière dynastie perse à régner avant la conquête arabo-musulmane, Navruz est le jour le plus important de l’année. Les souverains successifs donnent des audiences en public, offrent des cadeaux au peuple et gracient les prisonniers. La fête survit à l’introduction de l’islam, à partir de 650, puis aux invasions successives ottomanes et mongoles. Sous la domination de l’Union soviétique (1924 – 1991) toutefois, la célébration de Navruz en Ouzbékistan est souvent interdite.

La fête aujourd'hui

Les préparatifs

Pendant le dernier mois d’hiver du calendrier persan commencent les préparatifs de la fête, qui s’étendra à partir de la nouvelle année sur une période de 13 jours. Tout y est question de renouveau : on s’attelle d’abord à un vaste « nettoyage de printemps », on décore sa maison de fleurs, et on s’achète de nouveaux vêtements. On prépare aussi le soumalak, une pâte sucrée à base de germes de blé, que l’on offre ensuite à ses proches.

Le soir du Nouvel An

Plusieurs rituels interviennent lors du soir précédent le jour du Nouvel An. Les habitants sortent dans les rues, allument des feux de joie et souhaitent de laisser derrière eux la faiblesse, le mal et les problèmes de santé. On brise des jarres de terre cuite, pour bannir symboliquement la mauvaise fortune attachée à quelqu’un. Les enfants courent dans les rues dans un grand chambardement : ils tapent sur des casseroles, frappent aux portes, jouent des tours. Ils sont ainsi censés chasser la malchance. Pour remercier pour le bonheur et la santé de l’année qui s’achève, on offre des pâtisseries. Arrive enfin le repas traditionnel : du poisson accompagné de riz aux fines herbes (persil, coriandre, aneth, fenugrec et ciboulette).

La période de fête

Durant la période festive qui suit le jour dit, il est coutume de retrouver tous ses proches. On rend d’abord visite aux plus anciens de la famille, puis à ses autres membres et enfin à ses amis, et on s’offre des cadeaux. Les rues s’animent aussi pour toute la durée de Navruz : des activités culturelles et sportives prennent place en plein air, comme des concours de lutte, des courses de chevaux, des combats de coqs… Des marchands ambulants et des musiciens participent au dynamisme ambiant. De grands événements sont aussi organisés par l’État : des concerts, des jeux, des foires littéraires, le tout retransmis à la télévision et à la radio. Le soir de l’équinoxe ont lieu de grands concerts – particulièrement dans la capitale, Tachkent.

Danse traditionnelle lors des fêtes de Navruz [Crédits : zucker66 via Getty Images]

Les sept piliers

On dresse pour toute la durée des treize jours de réjouissances une table spéciale : celle des Haft Sîn (en iranien) que l’on peut traduire par « les sept ‘s’ ». Cette tradition est au cœur de la célébration de Navruz. Sur la table, on doit placer sept objets dont le nom commence avec la lettre « s ». Ce chiffre renvoie avant tout aux sept piliers du zoroastrisme, la religion dont est issue la célébration : prier un dieu unique (Ahura Mazda, une entité démiurgique), répandre le bien autour de soi, honorer le feu (le seul des quatre éléments à ne pouvoir exister sans l’action de l’Homme), lutter contre l’oppression (le zoroastrisme prône l’égalité de l’homme et de la femme et rejette toute forme d’esclavage et de soumission), respecter les formes de vie quelles qu’elles soient (y compris les animaux), et entretenir la joie de vivre (au même titre que la solidarité et l’humilité, les préceptes conseillent de rire autant que possible).

Table de Navruz [Crédits : Youshij Yousefzadeh via iStock / Getty Images Plus]

Les éléments posés sur la table ont également chacun une portée symbolique. On peut y trouver des pousses de germes de blé ou lentilles, qui symbolisent le renouveau et la renaissance ; une pâte de blé sucrée qui symbolise l’abondance ; les fruits de l’argousier qui symbolisent l’amour ; de l’ail qui symbolise la guérison ; des baies de sumac qui symbolisent la lumière et le soleil ; du vinaigre qui symbolise la sagesse et la patience ; des jacinthes qui symbolisent l’arrivée du printemps ; des pommes qui symbolisent la beauté et la santé. On peut y ajouter d’autres objets, comme des bougies, de l’eau de rose, un bol d’eau où flotte une orange, un autre abritant des poissons rouges, un livre sacré – l’Avesta (le livre du zoroastrisme) ou le Coran (le livre de l’islam) et un livre de poésie. La table est conservée telle quelle pendant toute la durée des célébrations.

Navruz est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO depuis 2009. Aujourd’hui, c’est la fête la plus populaire d’Ouzbékistan, et le principal jour férié national.