Artemisia Gentileschi, peintre des héroïnes

Grand nom de la peinture caravagesque de l’Italie du XVIIe siècle, Artemisia Gentileschi est une des rares femmes de son époques à avoir pu vivre de son art. Elle peint avec talent de nombreuses figures féminines issues de l'histoire comme des légendes. Retour sur la place de ces héroïnes dans l’œuvre d'une peintre hors du commun.

Vous me trouvez pitoyable car avant même de poser les yeux sur son travail, le nom d'une femme soulève des doutes. 

Artemisia Gentileschi écrit ces mots à un de ses commanditaires en 1649, consciente du caractère inédit de sa position. Dans l’Italie du XVIIe siècle, les femmes ne peuvent rejoindre les bancs de l’Académie des Beaux-Arts. Malgré cela, son père, Orazio Gentileschi, artiste réputé, la forme dans son atelier. Son talent et son parcours la conduisent à une renommée internationale et à la possibilité de vivre de son art. Elle est une des rares femmes peintres dans ce cas. Largement influencée par l’école du Caravage, ses toiles sont encensées, de son vivant comme par la postérité, pour leur extrême attention aux détails, le travail des tissus, leur dimension dramatique et l’utilisation frappante du clair-obscur. L’artiste se prenant souvent comme modèle, beaucoup de ses personnages empruntent ses propres traits. Car elle est aussi une femme qui peint des femmes : historiques, mythologiques ou religieuses, de nombreuses héroïnes se sont animées sous son pinceau.

Figures bibliques

La première œuvre attribuée à Artemisia Gentileschi représente déjà une figure féminine issue de la Bible. La scène de Suzanne et les Vieillards, peint en 1610, provient du chapitre 13 du Livre de Daniel en version deutérocanonique (écrite en grec plutôt qu’en hébreu et araméen). Selon ce récit, deux vieillards lubriques observent la jeune Suzanne dans les bains. Alors qu’elle refuse leurs propositions sexuelles, ils l’accusent d’adultère. Elle échappe in extremis à une condamnation à mort grâce à l’intervention du prophète Daniel. A l'image de Suzanne, tout au long de sa carrière, Artemisia peint des femmes marquantes de la Bible : Judith, Marie-Madeleine, sainte Cécile, Yaël, Esther, Bethsabée…

Artemisia Gentileschi, Suzanne et les Vieillards, cir. 1610, 170x119 cm, huile sur toile [Crédit : Wikimedias Commons]


Violence sans filtre

En 1612, la jeune femme crée son interprétation de Judith décapitant Holopherne, un sujet très prisé des artistes de l’époque. La froide colère de Judith, la solidarité de la femme qui l’accompagne et la violence représentée sans filtre ont suscité de nombreuses analyses à postériori. Les historiens d’art ont souvent rapproché la présence récurrente de violence et de sang dans les toiles d’Artemisia de son histoire personnelle. Violée par un ami de son père alors qu’elle avait 17 ans, en 1611, elle traverse un procès particulièrement terrible pour sa réputation comme son intégrité physique. La figure de la « femme vengeresse » a ainsi été largement associée à son œuvre. D’autant plus que dans une version postérieure de Judith décapitant Holopherne, elle a prêté à l’exécutrice ses propres traits, et ceux de son violeur à l’exécuté.

Artemisia Gentileschi, Judith décapitant Holopherne, 1612-1614, 158,8×125,5 cm, huile sur toile [Crédit : Wikimedias Commons]


Éros et Thanatos

La même année, elle peint Danaé, un classique mythologique. Dans Titien. Questions d’iconographie, l’historien d’art Erwin Panofsky rappelle qu’au Moyen Age, Danaé est pour certain une figure pudique et chaste (enfermée dans une tour et tombée enceinte à la suite de la visite surnaturelle d’une pluie d’or, ce qui rappelle l’histoire de Marie) ; pour d’autres, une femme lascive qui offre sa vertu pour de l’argent (la symbolique de l’or est alors très littérale). L’évocation de la cupidité ne vient, dans la version d'Artemisia, pas de l'héroïne mais plutôt de sa servante qui s’empresse de récupérer autant de pépites d’or que possible dans les plis de sa robe. Danaé dégage quant à elle beaucoup de sensualité, et en la représentant entièrement nue, l’artiste démontre sa grande maitrise des traits du corps féminin.

Artemisia Gentileschi, Danaé, cir. 1612, 41,3×52,7 cm, huile sur toile [Crédit : Wikimedias Commons]


La mort de Cléopâtre, héroïque en ce qu’elle préfère le trépas à l’humiliation, revient aussi plusieurs fois dans l’œuvre de la peintre. Dans Cléopâtre, peint entre 1620 et 1626, la reine est nue, seulement parée de ses bijoux, les cheveux détachés, un serpent dans la main qu’elle défie du regard. On retrouve une composition similaire dans les représentations de Lucrèce Borgia, personnage emblématique sujet de nombreuses légendes, qu’Artemisia a peint pas moins de quatre fois. Le dernier tableau, crée entre 1645 et 1650, est intitulé Viol de Lucrèce, et figure l’événement qui (selon certaines versions) qui la conduit à se suicider : son viol par Sextus Tarquin. Les autres sont des portraits de Lucrèce seule, la poitrine, dénudée, dirigeant un couteau vers sa poitrine. Les suicides de Cléopâtre et de Lucrèce sont la parfaite rencontre d’Éros et Thanatos – l’érotisme et la mort réunis.

Artemisia Gentileschi, Lucrèce, 1630-1635 ou 1640-1645, 133x106 cm, huile sur toile [Crédit : Wikimedias Commons]


Femmes victorieuses

En 1640, c’est au tour de Minerva, l’équivalent romain d’Athéna, d’apparaitre en peinture. Si le bouclier à la tête de Méduse et la lance renvoient aux codes iconographiques classiques associés à la déesse de la guerre et de la sagesse, Artemisia la figure aussi vêtue et coiffée à la mode du XVIIe siècle. Mais avec quelques incongruités. D’abord, les manches bouffantes de sa robe dénudent entièrement ses bras. Elle brandit une lance au bout de l’un d’eux, qui apparait fort et volontaire. Ensuite, sa robe épouse ses jambes d’une curieuse manière, les dessinant comme si elle portait un habit d’homme. Comme Judith décapitant Holopherne, Yaël terrassant Sisera, Suzanne remportant la justice, Omphale dominant Hercule, Minerva est sage et victorieuse.

Artemisia Gentileschi, Minerva, cir. 1615, 131x103 cm, huile sur toile [Crédit : Wikimedias Commons]


Et bien que posthume, la peintre a elle-même remporté une belle victoire en 2019 : son tableau Lucrèce (réalisé vers 1627) a refait surface sur le marché de l’art et a été vendu aux enchères pour la modique somme de 4 777 000 euros à un marchand londonien. Le record pour une œuvre de l’artiste. Hercule et Omphale est attribué et restauré par le Getty Museum en 2022 ; on peut espérer d’autres découvertes, qui viendront enrichir encore davantage l’extraordinaire corpus d’Artemisia Gentileschi.


Découvrez une exposition consacrée à Artemisia Gentileschi

Au musée Jacquemart-André

Du 19 mars au 3 août 2025, le musée Jacquemart-André célébrera une peintre emblématique du XVIIe siècle, représentante du caravagisme : Artemisia Gentileschi.

Visiter l'exposition avec un guide-conférencier

 

Voyages susceptibles de vous plaire

Newsletter

Inscrivez-vous à notre newsletter pour rester informé et recevoir nos offres en avant-première.

OK

Catalogues

Découvrez nos catalogues gratuits pour suivre l'actualité de toutes nos marques (sans engagement).

Suivez-nous !

Pour suivre l'actualité d'Intermèdes retrouvez-nous sur les réseaux sociaux :

INTERMÈDES

Qui sommes-nous ?

L'esprit Intermèdes

Nous contacter

Protection des données et cookies

Conditions de vente

Assurances

Partenaires

Nos gammes

Nous rejoindre

SERVICES

Mon compte

Avantages clients

Programme de parrainage

Recevoir le catalogue

Inscription à la newsletter

Offrir un voyage culturel

Groupes, entreprises, CE

Hôtels aéroports

Nos catalogues

Nos voyages culturels

Voyages culturels

Conférenciers

Départs garantis

Offres primos

Nouveautés

Dernières places disponibles

Questions fréquentes

Nos articles et chroniques culturelles

Nos thèmes

Circuit culturel

Séjours culturels

Voyages événements

Voyages Premium - ex-Hémérys

Croisières culturelles

Voyages en train

Tempo, rythme modéré

Voyages en famille

Voyages musicaux

Randonnées

Nature et grands espaces

Grandes expositions

Noël et Nouvel An

Journées culturelles

Voyages sur mesure

Moyens de paiement

Qualité certifiée

Charte de qualité Fevad
Récompense Open to Dialog 2014
Noté 4,8 sur 5 sur Trustpilot
Groupama Assurance-crédit & Caution
Membre du SETO

© Copyright Intermèdes 2025

Mentions légales

|

Crédits

|

Plan du site