Chine - Shanghaï - "La City" made in China
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La doctrine du Tao tient en quelque 5000 caractères légués par le père présumé fondateur de ce « chemin de l’être », Laozi. Une proposition de bonheur palpable, dès lors que l’Homme et l’Univers s’harmonisent, une pensée profondément chinoise sur la « juste » place du genre humain. Le taoïsme apparaît comme une attitude de vie intériorisée, silencieuse et discrète qui semble, jusqu’à l’obsession, tourner le dos à tout ce qui est trace ou empreinte. Une pensée de l’invisible où le mot Vie, comme souffle, prend tout son sens.
La doctrine du Tao tient en quelque 5000 caractères légués par le père présumé fondateur de ce « chemin de l’être », Laozi. Une proposition de bonheur palpable, dès lors que l’Homme et l’Univers s’harmonisent, une pensée profondément chinoise sur la « juste » place du genre humain. Le taoïsme apparaît comme une attitude de vie intériorisée, silencieuse et discrète qui semble, jusqu’à l’obsession, tourner le dos à tout ce qui est trace ou empreinte. Une pensée de l’invisible où le mot Vie, comme souffle, prend tout son sens.
J’emporte dans mon vol de quelques milliers de kilomètres vers Shanghai, les réflexions du Tao. Après l’avion, le train magnétique Maglev m’emporte à une pointe de 430km/h en 7 mn au cœur de la nouvelle capitale mondiale Pudong. Mes réflexions sur le Tao commençaient à porter ses fruits, notamment sur le bien-fondé de la lenteur et du Wuwei (non-agir).
À la sortie de la gare, les tours d’acier en hémicycle à l’assaut du ciel, saisissent de plein fouet ma grandeur d’âme taoïste. Comment font les Chinois pour embrasser d’un même élan cet héritage philosophique et celui de tonnes de béton armé ? Existe-t-il un aller-retour possible entre le vide du Tao et le trop plein urbain ?
Je feins de trouver une réponse en lisant Claudel, Bodard, Londres et Morand(1) sur leur vision parcellaire de Shanghai. C’était en d’autres temps, ceux où le « Paris de l’Orient » faste des années 30 vivait d’une importante industrie alimentaire, textile et … financière !
Shanghai, « en amont de la mer », est la tête du dragon du fleuve Yangzi. Premier port de fret en eau profonde, elle brasse et prend sa revanche sur tout : l’histoire, l’économie, les technologies, l’orgueil. Le dragon ressuscite. D’un petit salon privé au dernier étage du Riverside Hôtel côté Puxi, mon regard embrasse la fulgurance de cette mégapole de 20 millions d’âmes.
Des Îlots de Lilong en sursis jouxtent les anciennes douanes britanniques. Une nouvelle avenue enjambe la Suzhou aux eaux assainies. Barges et yachts zigzaguent le fleuve Huangpu au pied de la « Perle(2) », de la « L’affaire en or(3) » du « Décapsuleur (4)» et bientôt de la « Shanghai Tower », les icônes du nouveau quartier d’affaire de la zone franche.
Au-delà, un nouvel emblème mondial se dessine : la « couronne orientale », le pavillon chinois de l’exposition universelle 2010.
Shanghai est une ville à part en Chine, depuis toujours. Modeste petit port de pêche, la cité n’a hérité d’aucune dorure impériale et s’est lancée dans les colonnades néo-classiques et la mosaïque alors qu’alentour les bâtisseurs déclinaient pagodes, ponts, canaux et jardins.
Avec les douanes sont arrivées la pierre et la monumentalité, de là, l’esprit de grandeur a germé. Associée à la démesure, Shanghai déploie aujourd’hui toute son envergure. Une ville qui aimante tous les électrons libres étrangers en quête d’affaire et d’innovation.
Pour les Chinois c’est la dure loi « d’une ville, deux systèmes » orchestrée par la politique du hukou, le passeport intérieur. Pékin surveille de près les débordements possibles de cette mégapole (rivale ?) aux investissements pharamineux et aux affaires non moins fructueuses.
Devenue de plus en plus attractive tout au long de ces 20 dernières années, Shanghai tente le plus difficile : offrir une vie décente au nombre indécent d’urbains. Les prix des boutiques de luxe de l’avenue Huaihai font pâle figure à côté de ceux du marché de l’immobilier.
Plus de superficie habitable implique au centre, des élargissements à la Haussmann et en périphérie, des empilements de type Lego. Oui, la ville est devenue respirable, - toute proportion climatique gardée - et offre une grande Place du Peuple verte et conviviale - à la mesure du pays -, des dégagements d’avenue, une promenade spacieuse et aérée le long de la Huangpu, une circulation souterraine plus fluide qu’à Pékin, des espaces verts réguliers.
Tout fonctionne admirablement, dans une propreté qui interpelle. En cela le thème de l’Expo Universelle 2010 est non seulement traité, mais appliqué à Shanghai devenue une « meilleure » ville.
Exposition Universelle, Shangaï, 2010
L’Expo Universelle - attribuée pour la première fois à la Chine(5)- propose une réflexion planétaire sur l’homme urbain. En chiffres nous avons : 192 pays réunis pour 184 jours d’ouverture, une ville artificielle de 5 km2, 176 guichets d’entrée, 272 usines déménagées, 3 milliards d’euros investis par la municipalité sur le site et 10 fois plus pour l’embellissement de la ville et son infrastructure. Une expo des records, dont on sait la Chine capable, à l’instar de ses JO 2008. Je disposais d’une journée devant moi, pour « tout » voir !
Je rentre dans n’importe quel pavillon, celui où il y a le moins d’attente et je regarde les Chinois regarder le monde qui s’expose à eux. La palette du public est très large et zappeuse, comme le veut le modèle des « pavillons-pays », dont la disposition en spirale conduit à une fluidité des visites de masse. Porté par le flux, on sort chargé d’impressions mais peu de réflexions.
L’impression de se trouver à épingler des pays empavillonnés dans leur folklore comme une collection de papillons rares. La souveraineté des Etats n’a pas été soluble dans l’Universelle Expo(6).
Le monde est là tout entier dans ses plus beaux atours sans visa ni billet d’avion, le monde est aux portes de la Chine, au centre du monde, pour une somme presque modique(7).
Je regarde les Chinois regarder. Les Chinois écarquillent les yeux sur le monde alors que je cherche vainement un pays qui traite du sujet « Une meilleure ville pour une meilleure vie ». J’observe les formes et les matériaux des pavillons. Celui du Portugal en liège, celui de l’Espagne en osier complètement hallucinant avec ses 8500 plaques de lianes chamarrées d’écriture chinoise.
L’effet boîte en papier découpé de la Pologne, les 60 000 tubes d’acrylique transparent de la cathédrale des graines des Anglais (studio Heatherwick), le rideau en fibre de soja et résine végétale du pavillon Suisse, les jardins aériens de l’Arabie Saoudite, sont des trouvailles. J’y goûte innovation, talent et prouesse. Cet extraordinaire travail de conception explique l’inextricable chantier des mois précédents.
Je me demande cependant ce qu’il y a d’éco-durable dans ce jeu de construction en grande partie éphémère ? Seule une douzaine de pavillons seront conservés sur site. Le reste sera démonté ! Je marche et m’exerce mentalement au démontage. Je réalise alors l’énorme travail d’infrastructure, parfaitement stupéfiant qui restera en place.
En 20 ans de voyages en Chine, je sais le gouvernement capable de révolution urbaine radicale, offrant des moyens humains et financiers colossaux. A cet égard, j’éprouve un sentiment de sidération face à une telle efficacité.
Jusqu’où iront-ils ? Jusqu’à « harmoniser » le monde ? Sans état d’âme ? Des rues, des avenues, des voies piétonnes aériennes, des jardins, des places, des ponts, des luminaires, des embarcadères, des parkings, des structures de maintenance.
Tout est prêt pour une nouvelle ville sur la rive droite de la Huangpu, comme l’était la zone de Pudong lorsqu’en 1990 je débarquais sur ses accotements de rizières, où surgirait la Shanghai futuriste du quartier d’affaire.
« Une meilleure ville, pour une meilleure vie ». Plus que six heures avant fermeture.
En 1876, l’Exposition Universelle de Philadelphie commémorait les 100 ans de l’’Independence Day des Etats-Unis. Celle de 1889 à Paris, le centenaire de la Révolution Française.
Avec 2010, que célèbre la Chine ? Un rêve ? Celui de Lushi qui à l’âge de 32 ans fait dire à son personnage dans Nouvelle Chine : « Shanghai accueillera un jour l’Exposition Universelle, les concessions étrangères seront abolies, et le chinois sera largement parlé à travers le monde » .
En 1910, c’est utopique. La Chine d’alors n’est même pas une république ! En 2010, la voici à la proue du navire asiatique. L’expo universelle, un nouveau départ ? Pour Shanghai ? Pour la Chine ?
Son toit se dresse comme un V victorieux sur la base de ses 4 piliers. Le voile est tiré sur le pavillon chinois, aussi audacieux qu’emblématique. Sceau rouge architectural qui renferme un trésor : la « Sagesse chinoise dans le développement urbain ». 63 mètres de hauteur pour « contenir » cette sagesse.
Un écrasement, j’ai le cœur qui bat. Tout va très vite jusqu’au dernier espace intitulé « Avenir à bas carbone ». Voiture solaire (la Chine tient son rêve), pilier éolien (la Chine tient ses promesses), riz nouvelle génération (la Chine tient ses espoirs), la Chine voit loin…
Hexie shihui, une société harmonieuse qui replace l’homme au cœur des préoccupations avait annoncé le tandem Hu et Wen(8) au 17ème congrès (2007). « Aujourd’hui la Chine socialiste se tient solidement debout à l’Est face à l’avenir » fut la phrase inaugurale du 60ème anniversaire de la République Populaire de Chine le 1er octobre dernier.
Pourtant Hu Jintao ne semble pas avoir l’audace réformatrice d’un Deng Xiaoping, alors qu’il y a urgence. C’est que l’exercice est plus périlleux, car il touche l’accentuation des inégalités. Les paysans ont payé l’industrialisation de Mao, leurs enfants financent le boom économique, seuls, face à un monde absurde et l’inanité d’un modèle de société : consommer davantage pour être heureux.
Le pavillon chinois brasse en moi des sentiments mêlés d’admiration et d’écrasement, de toute puissance et d’enfermement, de voie possible et d’impasse. La Chine est bien réveillée. Pour qui veut bien regarder l’envers du pavillon chinois, on y trouve beaucoup de détresse et d’oppression.
Stress pour l’accession au mieux-vivre, écarts générationnels grandissants, rythme à marche forcée(9). Santé, éducation, logement sont les domaines où souffre une large part de la population. De la sagesse chinoise dans le développement urbain ?
J’ai appris à aimer Shanghai, celle que Mao a ostracisée pendant près de trente ans. Shanghai au début des années 90 n’avait rien de glamour, elle me semblait une ville chaotique au bord de l’asphyxie. Aussi le miracle chinois c’est bien cette mégapole où les expatriés français s’y trouvent en plus grand nombre.
La french touch est palpable au-delà de l’ancien quartier de la concession. Les Chinois du pays entier se pressent pour voir quelle tête a le nouveau dragon ! Le reste du monde aussi.
Notes
1 - Dans Le goût de Shanghai Mercure de France 2005.
2 - Perle de l’Orient tour de télévision de 468m construite en 4 ans.
3 - Traduction de la tour Jin Mao inaugurée en 1998.
4 - Le World Financial Center, surnommé le « décapsuleur », a été inauguré en septembre 2008, dans le quartier de Pudong. D’une hauteur de 492 mètres, le gratte-ciel de 101 étages sera le plus élevé de Chine et le troisième du monde derrière la Burj Dubaï dont la hauteur finale est un secret mais qui culmine aujourd'hui à 688 mètres et le Taipei 101 à Taiwan qui s'élève à 508 mètres.
5 - La ville a été choisie le 3 décembre 2002 par le Bureau international des expositions.
6 - Référence à la phrase de Daniel Cohen dans le Monde suite au sommet de Copenhague : « La souveraineté des états n’a pas été soluble dans le climat. »
7 - Entrée individuelle 160 yuan c’est à dire 15 €. Le salaire mensuel moyen d’un shanghaien est de 2000 yuan. Le salaire annuel moyen d’un paysan est trois fois inférieur à celui du shanghaien.
8 - Respectivement Président et Premier ministre de l’ancienne équipe dirigeante.
9 - En 2005, 13 millions de pétitions envoyées au gouvernement central concernant la saisie des terres.
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