Le dôme de Florence : une épopée !

Ce dôme miraculeux, œuvre d’un architecte autodidacte, Filippo Brunelleschi, est un défi aux lois de la pesanteur. La construction de l’édifice lui-même, lancée à la fin du XIIIe siècle, se devait d’être digne de la capitale économique et culturelle qui tenait son renom de la finance et du commerce de la laine et de la soie.

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La cathédrale de style gothique était immense et les édiles florentins ne savaient à quel saint se vouer pour apporter une solution à l’édification d’un dôme mesurant près de 45 m de diamètre intérieur et devant reposer sur les murs existants à 55 m au dessus du sol ! A force d’attendre, ça n’est qu’au début du XVe siècle que fut lancé un concours, doté de 200 florins d’or, pour réaliser ce qui semblait impossible. Et les plus grands architectes accoururent, et les projets les plus variés s’opposèrent, parfois saugrenus, souvent irréalistes. C’est alors qu’un orfèvre de condition modeste se présenta et s’engagea à bâtir deux dômes enchâssés l’un dans l’autre et ce sans le concours du moindre échafaudage jugés trop coûteux !
Les maîtres d’ouvrage le firent expulser pensant avoir à faire à un plaisantin. Cependant Brunelleschi avait appris non seulement le dessin, la peinture, le sertissage, la sculpture au cours de son apprentissage d’orfèvre mais aussi l’optique, le jeu des roues et des engrenages, en fait c’était un homme de génie. Lors d’une énième entrevue, il convainquit les maîtres d’ouvrage de la faisabilité de son projet. Les commanditaires qui ne voyaient pas d’autre issue accréditèrent la proposition de Brunelleschi à condition toutefois qu’il partage la réalisation avec un autre orfèvre : Lorenzo Ghiberti. Or Ghiberti était son pire rival depuis que, vingt ans plus tôt, il avait enlevé haut la main le concours pour la réalisation des nouvelles portes en bronze du baptistère florentin, au grand dam de Brunelleschi !
L’atmosphère était plutôt houleuse lorsque débuta l’exécution du projet colossal qui devait prendre seize années au cours desquelles se multiplient complots et combines. Ainsi se dessine le profil arrondi de la coupole si différente des lignes anguleuses du style gothique ou des contraintes étouffantes du Moyen-âge. On y constate l’embryon de la libération que fut la Renaissance. Les florentins scrutent son avancement et la prennent en référence au quotidien !
L’artiste multiplie les trouvailles, invente un palan à trois vitesses, confie à des charpentiers de marine la fabrication de cordages spéciaux, atèle des bœufs pour actionner l’engin. Après le palan c’est une grue de près de 20 m avec une série de contrepoids qui déplace les charges latéralement… Ces monte-charges sont si révolutionnaires qu’ils demeurèrent inégalés jusqu’à la révolution industrielle. Ils fascinèrent des générations d’artistes comme un certain Vinci qui en fit des croquis.
Les innovations techniques sont inscrites au quotidien de l’œuvre éblouissante. Son plan en double coque aboutit à une structure infiniment plus légère et élevée que n’aurait été un dôme solide de la même taille. Brunelleschi insère dans la texture du dôme des rangées de briques en chevrons qui augmentent la solidité de l’ensemble. Il est partout présent, contrôle tout jusqu’à la sécurité des ouvriers. Les embûches ne manquent pourtant pas : d’abord les difficultés propres à l’édification et puis celles provoquées par l’intrigant Ghiberti pour qui tous les moyens sont bons.
Le 25 mars 1436, jour de l’Annonciation, le pape Eugène IV et une assemblée d’évêques et de cardinaux consacrent la cathédrale enfin achevée. Dix ans plus tard, sur des plans de Brunelleschi, un autre groupe d’artistes posera la pierre angulaire du lanternon en marbre prévu pour couronner son chef d’œuvre. L’orfèvre-architecte s’éteint le 15 avril de la même année et sera inhumé dans la crypte, ce qui constitue un immense honneur. En tous cas c’est bien cet homme qui a ouvert la voie aux révolutions culturelles et sociales qui ont fait la Renaissance. Lorsqu’elle fut terminée, Santa Maria del Fiore se livrera aux talents immenses de peintres comme Donatello, Paolo Ucello, Luca della Robbia, devenant ainsi le creuset de l’art de la Renaissance.

I. Aubert

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