Le roi se lève : l'histoire du Messie de Haendel

Composer une œuvre aussi titanesque que Le Messie en seulement vingt-quatre jours, qui d'autre que Haendel aurait pu y arriver ? Une gageure, une folie pour beaucoup, pas pour lui ! Rien d'étonnant même chez celui qui avait coutume d'écrire ses opéras et oratorios en quelques semaines : Rinaldo et Salomon, pour n'en citer que deux, ne lui ont pris respectivement que quinze et vingt jours !

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Composer une œuvre aussi titanesque que Le Messie en seulement vingt-quatre jours, qui d'autre que Haendel aurait pu y arriver ? Une gageure, une folie pour beaucoup, pas pour lui ! Rien d'étonnant même chez celui qui avait coutume d'écrire ses opéras et oratorios en quelques semaines : Rinaldo et Salomon, pour n'en citer que deux, ne lui ont pris respectivement que quinze et vingt jours !

On pourrait croire au vu de cette apparente précipitation que Haendel « expédiait » son travail, qu'il le négligeait presque. Mais ce serait oublier le soin et l'attention avec lesquels il travaillait, cette concentration qui ne le quittait jamais et qui compensait avec sa fougue naturelle. Le résultat atteste de cet équilibre essentiel à son génie, et qu'on retrouve avec une force magistrale dans le Messie.


Les circonstances qui entourent la création de cet oratorio sont particulières


En juillet 1741, le moral de Haendel est au plus bas. Ses opéras ne marchent plus, sa flamme créatrice s'étiole, sa solitude se creuse. Depuis des mois, ce n'est que dégoût, sécheresse et alcool. Lui qui, depuis trente ans, a reçu toutes les faveurs des rois et des reines, est de nouveau dans la tourmente. Il faut en effet se souvenir qu'une terrible crise d'apoplexie l'avait, quatre ans auparavant, violemment terrassé, et qu'il s'en était fallu de peu pour qu'il y laissât la peau. Cette force de la nature parviendrait-il encore à se relever ?


Une nuit, après avoir erré sans but dans les rues londoniennes, il rentre chez lui, plus accablé que jamais. Il y trouve une lettre : elle est signée Charles Jennens, un poète qu'il connaît bien, et est accompagnée d'un livret. Jennens demande instamment à Haendel de transcrire son texte pour un oratorio, ajoutant que « Le Seigneur en a donné l'ordre »...

Un oratorio ! Comment composer quoi que ce soit dans de telles dispositions ? Haendel peste, s'emporte, mais finit par lire le livret. Il est intitulé Le Messie. On y trouve une grande diversité de passage bibliques tirés du Nouveau et de l'Ancien Testament, arrangés par Jennens de manière à former une suite cohérente. Feuilletant distraitement les pages, Haendel tombe sur des passages qui l'émeuvent profondément et finissent par le convaincre.

Requinqué, ayant délaissé ses chagrins, il se met au travail un mois plus tard, ailé par une inspiration divine et une verve retrouvée. Son activité devient frénétique : pendant vingt-quatre jours et vingt-quatre nuits, il écrit sans discontinuer, se ménageant à peine, ce qui n'est pas sans effrayer son domestique. Le résultat est à la hauteur de l'effort : Haendel vient de créer l'un des plus grands chefs-d’œuvre de l'histoire de la musique.


Il va sans dire que Le Messie connut un succès immédiat. Tous ceux qui étaient présents à Dublin, en 1742 lors de la première représentation, pouvaient déjà apprécier l'approche dramatique de son matériau, qui rappelle celui de l'opéra, ainsi que cette expression d'immédiateté transcendante qui traduit la foi inébranlable du maître, et qu'on retrouve tout entier dans un de ses airs les plus célèbres : « I know that my redeemer liveth ».

Mais ce qui est le plus caractéristique de l'ouvrage, c'est peut-être sa richesse synthétique : on découvre ça et là, disséminées tout au long de l’œuvre, des allusions multiples à diverses formes musicales, telles des échos de chorals allemands ou des airs populaires italiens. Ce mélange se fond savamment dans l'équilibre minutieux que forment ouvertures et conclusions, sujets d'airs et de chœurs, et le rendu mélodique rehausse ainsi le propos biblique.


La beauté de l’œuvre est telle, les émotions qu'elle véhiculent si grandes, que le roi en personne, lors de la première à Londres, en entendant le vibrant chœur de l'Alléluia, s'est levé et est resté debout jusqu'à la fin du morceau, entraînant avec lui tout le public. Cette pratique est devenue depuis lors une tradition constamment respectée.

Monument à George Frideric Handel

J. Streiff

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