Moscou : de la Troisième Rome à la Troisième Internationale
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« Moscou est nécessaire à la Russie » (Nicolas Gogol)
Selon certains, les Moscovites n’aimeraient plus leur ville. Trop de changements l’auraient frappée, à l’image des bouleversements que la Russie a connus depuis 1991. Rien de surprenant à cela tant l’histoire de Moscou fusionne avec celle de la Russie. Son histoire s’est construite pas à pas dès le XIIe siècle, puis renforcée au XVe.. Proclamée « Troisième Rome » au XVIe, puis déclassée au XVIIIe au profit de Saint-Pétersbourg, elle est restée pourtant le symbole de la Russie éternelle, avant de redevenir capitale en 1918. Et comme tout organisme vivant, Moscou n’a jamais cessé de se métamorphoser.
« Moscou est nécessaire à la Russie » (Nicolas Gogol)
Selon certains, les Moscovites n’aimeraient plus leur ville. Trop de changements l’auraient frappée, à l’image des bouleversements que la Russie a connus depuis 1991. Rien de surprenant à cela tant l’histoire de Moscou fusionne avec celle de la Russie. Son histoire s’est construite pas à pas dès le XIIe siècle, puis renforcée au XVe.. Proclamée « Troisième Rome » au XVIe, puis déclassée au XVIIIe au profit de Saint-Pétersbourg, elle est restée pourtant le symbole de la Russie éternelle, avant de redevenir capitale en 1918. Et comme tout organisme vivant, Moscou n’a jamais cessé de se métamorphoser.
Etablie sur sept collines dans une plaine arrosée par la Moskva, la ville n’occupe pas une position géographique anodine, elle doit son essor à l’accès aux principales voies d’eau, la Volga et l’Oka, et à son rôle de carrefour commercial. C’est à Youri Dolgorouki, prince de Souzdal, que Moscou doit son entrée dans l’histoire, le 4 avril 1147 lorsqu’à l’issue d’un banquet de chasse, il décide d’en faire une place forte.
En 1156, sur une colline située à la confluence de la Moskva et de la Néglinaïa, il fit construire un « kreml », un fortin de terre et de bois comme en possédaient alors la plupart des villes de la Russie médiévale. Cette vocation de Moscou à devenir un puissant centre politique fut portée ensuite autant par l’époque que par des hommes ambitieux.
Ce qui donne alors le pouvoir c’est le titre de « Grand Prince » attribué à la noblesse russe par leurs suzerains, à savoir les khans tatars de la Horde d’Or qui, depuis 1204, règnent sans partage sur la Russie du centre et du sud. Leur puissance est démontrée régulièrement lors de raids meurtriers, celui de 1238 détruira Moscou une première fois, mais elle se relèvera.
Pragmatiques, les dynastes de Moscou font donc alliance avec les Tatars devenant des sortes de « gendarmes » du khan chargés de collecter le tribut destiné à la Horde d’Or, comme ce fut le cas pour Alexandre Nevski (1220-1263). Son descendant, Ivan Ier dit Kalita (1288-1340) obtient lui, en 1328, le titre de « Grand Prince de Moscou, de Vladimir et de toute la Russie» avant de réprimer pour le compte de la Horde d’Or la ville frondeuse de Tver.
Désormais devenue une capitale politique, Moscou est appelée à devenir de plus en plus sainte après l’installation du métropolite Pierre, chef de l’Eglise orthodoxe russe au Kremlin !
A la fin du XIVe siècle, Dimitri Donskoï (1359-1389) s’impose. Ce prince, devant le morcellement politique des Tatars, passe à l’offensive et parvient à les battre en 1380 lors de la bataille de Koulikovo, sur le Don. Une victoire surtout symbolique - la Moscovie restera soumise à la Tatarie encore un siècle - mais qui marque l’éveil d’une conscience nationale russe.
Le « prince » administre désormais un territoire étendu et cohérent. Moscou rayonne, elle s’étale, s’étire. Elle est dominée par le Kremlin à l’ouest duquel s’étendent les faubourgs de Kitaï Gorod, la ville des commerçants.
Sous le règne d’Ivan III (1462-1505) et grâce à une politique ferme d’extension (régions de Novgorod, Pskov,Tver , Rostov...) et de centralisation du domaine royal, la Moscovie accouche de la Russie ! Un Etat qui s’étend sur plus de 2 millions de km², le plus vaste d’Europe, et dont Moscou est bien sûr le cœur à la fois politique et religieux !
Mais la portée symbolique de la ville va grandir encore à l’issue du mariage, en 1472, d’Ivan III avec Sophie Paléologue, princesse byzantine exilée en Italie depuis la chute de Byzance en 1453. Une sorte de transfert de dignité se fait alors, souligné par l’usage du rituel byzantin lors des grandes cérémonies ou la reprise de l’aigle bicéphale sur les armoiries.
Plus tard, en 1547, Ivan IV dit « le Terrible » (1533-1584), s’accorde le titre de Tsar (César), avant qu’en 1589, l’autocéphalie accordée par les Grecs à l’Eglise russe orthodoxe ne parachève ce processus de concentration du pouvoir. Dignité impériale, dignité patriarcale, ainsi naquit la vocation universelle de la Russie, de Moscou, l’idée de la « Troisième Rome ».
La formule a fait couler beaucoup d’encre : « deux Rome sont tombées, Moscou est la troisième, il n’y en aura pas de quatrième » ! Elle est due à Philothée, un moine de Pskov, qui dans un épître composé vers 1540, évoque la punition divine infligée à Constantinople en 1453 pour avoir trahi la vraie foi en acceptant l’union avec Rome lors du concile de Florence en 1439.
Elle permet l’élévation de Moscou au rang de nouvelle ville de Constantin, de « cité sauvée par Dieu » et la Russie au rang de « Nouvel Israël ». Considéré souvent comme l’illustration des ambitions conquérantes de la Russie de l’époque moderne à nos jours, le concept de « Troisième Rome » fut donc au départ une « idée mystique », rien de plus.
Cet essor politique de la Russie eut son effet sur Moscou où des maîtres italiens réputés sont invités à la fin du XVe pour rebâtir plusieurs palais et églises au Kremlin, renforcer l’enceinte de la forteresse (1475-1508).
On n’oubliera pas non plus l’aménagement d’une large esplanade, la Place Rouge (1493). La référence est donc à la fois russe et italienne, orthodoxe et humaniste. En retour, les premiers ouvrages sur la Russie sont publiés en Occident où s’accumulent les stéréotypes appelés à faire fortune : autocratie, nation servile, clergé soumis, pays immense, monotone ; sans oublier l’éternelle question de la Russie à situer en Europe ou en Asie.
Durant tout le XVIe, l’extension de Moscou suit la vitesse à laquelle la Russie avance vers la mer Caspienne et en Sibérie. À la mort d’Ivan IV le Terrible (1533-1584), c’est un Etat de cinq millions de km², le plus vaste jamais bâti en Europe. Et au XVIIe siècle, les aspects qui caractérisent l’urbanisme moscovite sont bien en place.
Au centre se trouve le Kremlin entouré de son enceinte, puis une seconde muraille qui protège le quartier commerçant de Kitaï Gorod. Une troisième enveloppe Biely Gorod, la « ville blanche », enfin une dernière ceinture de fortifications de plus de quinze kilomètres, Zémlianoï Gorod, la « ville de Terre ».
Les rues les plus importantes traversent la ville en longues radiales vers le cœur de Moscou. La structure radio - concentrique de la ville telle qu’on la voit de nos jours est donc déjà en place. A la fin du XVIIe lorsque Pierre le Grand (1689-1725) prend le pouvoir, la capitale de la Russie avec 200 000 habitants est moins peuplée que Paris mais plus vaste que Londres !
En 1712, Pierre le Grand réforme l’Etat et fonde la nouvelle capitale de la Russie dans un lieu « improbable », à l’extrémité nord du pays, ce sera Saint-Pétersbourg. Une nouvelle page de l’histoire de la Russie et de Moscou va s’écrire alors.
Si Moscou se dépeuple au profit de la « Venise du Nord », elle tire rapidement bénéfice de sa nouvelle situation périphérique. Les voyageurs notent qu’on y vit plus librement que « là-haut », que les oukazes n’y sont pas toujours respectés.
Peu à peu Moscou devient clairement le conservatoire des traditions russes, bref, selon Nicolas Gogol, « Moscou incarne la Russie barbue tandis que Pétersbourg est déjà un européen ».
Au XVIIIe, Moscou se repeuple, se transforme à nouveau et acquiert la réputation d’une ville où la noblesse mène grand train, où la diversité et l’originalité priment quand elles font défaut à Saint-Pétersbourg figée dans l’étiquette de cour. Un peu plus tard la peintre Elisabeth Vigée-Lebrun écrit « (...) Moscou diffère de tout ce qui existe en Europe (...) et ressemble à Ispahan ». Moscou est exotique !
En septembre 1812, lors de l’occupation française, Moscou est ravagée durant six jours par un « océan de feu ». Le « cœur de la Russie » - dixit Napoléon - est en grande partie détruit. La guerre gagnée (1814), la reconstruction débute, elle prendra trente ans et changera encore l’aspect de la ville.
Aux complexes palatiaux se substituent de petits hôtels particuliers représentatifs de l’évolution de la société moscovite désormais partagée entre une élite bourgeoisie enrichie (kouptsi) et une noblesse traditionnelle désargentée.
Dans la seconde moitié du XIXe, Moscou accueille la révolution industrielle russe, elle est le nœud routier et ferroviaire - la ville compte 9 gares – et le centre de gravité d’un empire qui couvre plus de vingt-et-un millions de km² de Pétersbourg à Vladivostok.
Son développement est prodigieux, en témoignent la Place des Théâtres ou les grandes galeries commerciales bâties le long de la Place Rouge. Les architectes privilégient un historicisme slavophile : styles byzantino - russe, néo-russe, pseudo - russe, avant que l’Art Nouveau ne mette tout le monde d’accord.
La population dépasse le million et demi d’habitants, dont les deux-tiers vivent dans les faubourgs insalubres. Pourtant ni la révolution de 1905, ni les crises sociales, pas même la première guerre mondiale ne freineront l’ambition de Moscou.
En 1918, le gouvernement bolchevique rétablit Moscou dans son rôle historique de capitale de la Russie. Lui répond un enthousiasme créateur porté autant par les artistes de l’avant-garde que par le développement d’une nouvelle mythologie officielle dans laquelle Moscou passe du statut de « Troisième Rome » à celui de centre de la « Troisième Internationale ».
Elle doit désormais incarner la ville soviétique exemplaire, préfiguration de l’avenir radieux. Rapidement, un plan général de reconstruction de la « Nouvelle Moscou » est élaboré pour l’année 1932.
A l’heure stalinienne, chaque jour des miracles seront réalisés : rues élargies - jusqu’à soixante mètres de large -, nouvelles places aménagées, jardins dessinés, mise en place du premier métro (1935) - le plus beau du monde ! Le style ? Il sera classique, « empire stalinien », c’est-à-dire « calme », « lucide », « sévère » et « mesuré » comme le prescrivent les théoriciens du réalisme-socialiste.
En retour, ce passage de l’obscurité à la lumière aura pour prix la destruction d’une partie du patrimoine historique, d’églises notamment !
La Grande Guerre Patriotique (1941-1945) consacrera définitivement Moscou dans son statut de capitale de l’Empire soviétique. Et à l’heure de la défaite allemande, les drapeaux pris à l’ennemi seront jetés théâtralement au pied du tombeau de Lénine, sur la Place Rouge.
Victorieuse, Moscou s’offrira ensuite une couronne de sept « gratte-ciels » monumentaux pour balayer l’horizon et qui viendront réaffirmer la sacralité d’une ville vieille de 800 ans. Après la mort de Staline (1953), viendra le temps des grands ensembles de logements standardisés en béton qui seront la marque d’un urbanisme utilitaire et monotone propre à tous les pays de l’URSS jusqu’en 1991.
On n’oubliera pas non plus, Guerre froide oblige, que c’est aussi durant cette période que Moscou deviendra pour l’Occident, une ville maléfique, « berceau du ténébrisme », dotée d’organes humains et du don d’ubiquité. On parlera alors de l’« œil » ou encore de la « main » de Moscou.
Aujourd’hui, Moscou est une mégapole de plus de 10 millions d’habitants, capitale politique, financière et économique du pays le plus vaste du monde. En seulement vingt ans, depuis 1991, une aisance économique s’est diffusée à Moscou, et la ville contrôle à elle seule près de 80 % des capitaux en circulation dans le pays.
L’excès y reste la règle, dans la longueur des embouteillages, dans les réalisations architecturales contemporaines toujours monumentales. Et comme hier, tout s’y décide, tout y revient, tout y est possible. Moscou n’est décidemment pas toute la Russie!
Mais, on reste toujours charmé par l’omniprésence des coupoles dorées et des églises, restaurées ou reconstruites, la richesse de ses musées, par ce mélange de ville et de campagne, de froideur et de chaleur, toute une solide rêverie de pierre et de brique dont Tolstoï nous dit que Napoléon en était comme drogué !
Moscou ! Quelle énorme
Auberge pour les voyageurs
En Russie tout un chacun est un sans logis
Nous viendrons tous chez toi.
(Marina Tsvetaeva)
Avec
Fabrice Delbarre
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